Agences
FAQ
Contact

« Aujourd’hui, les facteurs d’engagement individuels prennent le pas sur le collectif » - Entretien avec Sifra Schaeffer, consultante psychologue sociale du travail

Sifra Schaeffer, psychologue sociale du travail, a participé à l’analyse des chiffres du 14ème baromètre de l’Absentéisme et l’Engagement Ayming-AG2R LA MONDIALE. Elle revient pour nous sur les grands enseignements de cette enquête.

Le baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement Ayming-AG2R LA MONDIALE en est à sa quatorzième édition. Que nous enseigne une telle étude sur le temps long ?

Sifra Schaeffer : On observe que l’absentéisme s’ancre clairement dans le paysage. La très légère baisse que nous constatons par rapport à l’année dernière est un trompe-l’œil lié au Covid, puisque les chiffres sont supérieurs à ceux de 2019. Le baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement Ayming-AG2R LA MONDIALE confirme cette tendance à la hausse depuis de nombreuses années.
On peut en déduire que les entreprises ne prennent pas suffisamment en compte l’ampleur du problème malgré les coûts directs et indirects qu’entraînent l’absentéisme.

 

J’ajouterai que les entreprises doivent être interpellées sur les changements de mentalité que nous pouvons observer. L’étude de cette année montre une réelle corrélation entre l’engagement, la présence et la santé, je ne peux donc que conseiller aux entreprises de davantage prendre en compte ces trois points.

 

Les années 2020 et 2021 ont évidemment été marquées par la pandémie de Covid-19 et ses nombreuses répercussions dans l’approche de tout un chacun vis-à-vis du travail. Peut-on observer un avant et un après Covid-19 concernant les questions d’absentéisme et d’engagement ?

S.S. : Nous n’observons pas vraiment « d’avant/après Covid-19 » en ce qui concerne les chiffres de l’absentéisme en tant que tels. Les tendances nationales déjà présentes avant Covid continuent de s’ancrer dans le temps : le taux national est en augmentation, l’absentéisme de longue durée ne cesse d’augmenter, et les secteurs historiquement les plus touchés, comme la santé et les services, le sont toujours autant.

 

En revanche, en ce qui concerne l’engagement, oui, il y a eu un très net impact de la crise sanitaire. Comme souvent en temps de crise, les individus se sont davantage repliés sur eux-mêmes, et ils se sont très certainement questionnés sur leurs facteurs d’engagement. Même si les prémices étaient déjà là avant la pandémie, nous observons aujourd’hui qu’un salarié sur quatre a changé ses facteurs d’engagement. Un quart des salariés qui change d’avis sur cette question, il faut bien réaliser que c’est énorme ! 

 

Aujourd’hui, parmi les facteurs d’engagement, on trouve en premier lieu la rémunération et les avantages (ce qui peut également s’expliquer par le contexte d’inflation), l’équilibre entre vie pro et vie perso, et en troisième marche du podium l’autonomie dans son travail. Les facteurs que l’on retrouvait jusqu’alors historiquement dans le top 3, les conditions de travail et les relations sociales, n’arrivent qu’en quatrième et cinquième position ! Le principal constat que nous en tirons, c’est que les facteurs d’engagement individuels prennent le pas sur les facteurs d’engagement collectif.

 

Une donnée intéressante à rebours des idées reçues ressort cependant de notre étude : la dimension collective continue d’apparaître dans le top 3 pour les collaborateurs de moins de 30 ans. Il serait donc intéressant pour les entreprises de capitaliser sur ce point pour réinvestir dans le collectif en misant sur une approche intergénérationnelle. 
De façon plus globale, on constate que plus un collaborateur est engagé, moins il va être absent, il est donc nécessaire pour les entreprises de travailler sur les facteurs d’engagement.

 

Les États-Unis connaissent depuis 2021 le phénomène dit de la « grande démission » qui semble pouvoir être également observé en France et en Europe à présent. Les salariés sont-ils tous touchés de la même manière par ce désir de mobilité, et surtout quelles sont les meilleures pistes du côté des entreprises pour conserver leur attractivité ?

S.S. : Notre étude montre que le désir de mobilité est présent en France. L’année dernière, nous mettions en avant que près d’un salarié sur deux souhaitait changer de poste et/ou d’entreprise. Un an après, ce taux demeure similaire. Cependant, un point qui interpelle, c’est que 72% des salariés qui ont changé d’orientation professionnelle souhaitent de nouveau changer cette année ! Les entreprises vont devoir composer avec cette volatilité.

 

En offrant des perspectives de mobilité, les entreprises renforcent leur attractivité, mais cela ne suffit pas. Nous préconisons de prendre davantage en considération la dimension collective, de satisfaire les facteurs d’engagement, mais aussi de proposer des projets intéressants, stimulants, fédérateurs… En travaillant sur ces pistes d’actions, les entreprises sauront retenir leurs talents et maintenir l’engagement dans la durée.

 

Il peut parfois y avoir la volonté de mettre en place des choses révolutionnaires, alors que les pratiques basiques qui relèvent du bon sens ne sont pas forcément en place. Il nous semble ainsi nécessaire pour les entreprises de ne pas porter uniquement leur attention sur le recrutement et l’attraction de nouveaux collaborateurs, mais de plutôt se recentrer sur l’interne pour préserver la santé globale de leurs collaborateurs, donc d’influer positivement sur leur engagement et in fine sur leur présence au travail. 
 

 

Pour en savoir plus : lire l'article consacré à la conférence de présentation des résultats du 14e Baromètre de l'Absentéisme et de l'Engagement Ayming-AG2R LA MONDIALE

Partagez :