Soins dentaires : faut-il anticiper une hausse des cotisations ?

Nouveau décret, nouvelles limites de la participation des assurés coût des honoraires des chirurgiens-dentistes.

Quels sont les enjeux et les conséquences de cette nouvelle mesure ? Faisons le point ! 

Publié le lundi 30 octobre 2023
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Soins dentaires : faut-il anticiper une hausse des cotisations ?

Daté du 31 juillet 2023, le décret n° 2023-701 modifie les limites de la participation des assurés relative aux honoraires des chirurgiens-dentistes.

Montant initialement fixé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Quels sont les enjeux et les conséquences de cette nouvelle mesure ? 

 

Quid du nouveau décret. Décryptage et analyse. 

 

Le ministère de la Santé et de la Prévention vient de statuer(1). Dès le 1er octobre, les frais d’honoraires des chirurgiens-dentistes ainsi que les actes de soins dentaires seront pris en charge à hauteur de 65 % ou 55 % du tarif conventionnel de l’Assurance maladie, contre 70 % actuellement. Soit une baisse de 5 à 15 % qui devrait permettre à la Sécurité sociale de réaliser une économie substantielle de 500 000 millions d’euros par an – selon les estimations(2)

Un gain qui, selon l’exécutif, permettra de financer un grand plan de développement de la prévention bucco-dentaire dont l’ambition est de voir grandir la « première génération zéro carie »(3)
Relayé par l’Union Française de la Santé Bucco-Dentaire (UFSBD), ce « transfert du curatif vers le préventif », dixit l’ancien Ministre de la Santé François Braun, est le résultat d’une négociation commune actée récemment. Le 21 juillet dernier, l’Assurance maladie, les organismes complémentaires et les deux syndicats représentatifs des chirurgiens-dentistes libéraux signaient, en effet, pour la période 2023-2028, une nouvelle convention dentaire(4).

Son objectif ? Diminuer à long terme le recours de la population aux actes prothétiques (couronnes notamment) et implantaires, très coûteux. Les 3 à 24 ans vont, ainsi et dorénavant, profiter de soins préventifs plus importants, de davantage de soins précoces pour préserver les dents et d’un suivi préventif régulier. La convention prévoit pour ces jeunes patients un examen bucco-dentaire annuel (contre un examen tous les 3 ans actuellement).

 

 

La prévention : nouvelle stratégie du gouvernement en termes de santé bucco-dentaire

 

Réaliser des campagnes de prévention et de sensibilisation est essentiel. Si les nouvelles actions mises en place par l’UFSBD tiennent leur promesse, le nombre d’actes jugés onéreux : traitement d’une carie, dévitalisation, soins chirurgicaux, implants… devrait, en toute logique, baisser dans les années à venir. Mais avant de dégager des économies, « première génération zéro carie » doit, avant tout, bénéficier de fonds pour exister et donner des résultats. 

 

 

Des complémentaires appelées au secours des assurés

Aussi, qui dit baisse de la prise en charge de l’Assurance maladie, dit augmentation du reste à charge. Autrement appelé « ticket modérateur », ce dernier devrait, par voie de conséquence, augmenter de 30, 40 ou 45 % selon les soins délivrés. Une hausse que va devoir supporter les complémentaires santé, assureurs, institutions de prévoyance.

Ce sont eux, en effet, qui sont « invités » à prendre le relais pour financer la différence de charges, comme le notifie l’entourage du Ministre qui dit être guidé par un « besoin d’efforts conjoints entre l’Assurance maladie obligatoire et les complémentaires »(5). Sans quoi, aller chez le dentiste coûtera plus cher. Et il n’est pas question que cette revalorisation « génère des coûts supplémentaires pour les assurés » précise François Braun. 
Mais encore faut-il que ces derniers bénéficient de la couverture d’une mutuelle. 
Si l’Accord national interprofessionnel (ANI) a permis, en 2016, d’augmenter le nombre de personnes couvertes (96,4 % en 2019 contre 86 % en 1996(6)), 2,5 millions de Français ne sont toujours pas concernés.

Parmi eux, les catégories modestes restent surreprésentées ainsi que les indépendants, les chômeurs et les inactifs(7). Autant de personnes qui vont devoir mettre la main au porte-monnaie et pour qui cette mesure va entraîner inéluctablement une perte de pouvoir d’achat, voire un renoncement aux soins. Ceci dans un contexte d’inflation où l’augmentation des prix de l’alimentation et des produits de première nécessité défavorisent déjà les plus démunis(8)
L’avenir nous le dira.

 

 

Le Régime Local d’assurance maladie d’Alsace Moselle renforce sa position 

En Alsace-Moselle, le Conseil d’administration du Régime Local a, quant à lui, décidé de prendre totalement en charge la part délaissée par l’assurance maladie obligatoire portant ainsi son remboursement à 30 % (au lieu de 20% actuellement)(9)
Cette louable initiative de maintenir un taux de remboursement à hauteur de 90 % pour ses bénéficiaires, génèrera, en année pleine, une dépense supplémentaire de 14 millions d’euros.

Pour le président du régime local M. Patrick Heidmann, il s’agit là d’une « véritable décision de prévention de la santé dentaire de nos assurés et de garantie d’un maintien de leur pouvoir d’achat. ». 

 

 

Une hausse des cotisations jugée inévitable par les complémentaires

 

En attendant, dans le reste de la France, le transfert de charges de 500 millions d’euros de l’Assurance maladie obligatoire vers les complémentaires va sûrement contraindre ces dernières à faire grimper le prix de leur cotisation, impactant de surcroît le portefeuille des assurés.

En effet, les représentants du secteur ne voient pas bien comment la mesure pourrait éviter à leurs clients de débourser.

« C’est même inéluctable, twittait Eric Chenut, au nom de la soutenabilité financière des mutuelles, tout simplement. Certaines mutuelles sont tout juste à l’équilibre, d’autres plus vraiment. » 

Quelques complémentaires annoncent déjà une augmentation de leurs cotisations.

Une revalorisation qui s’ajoutera à la hausse annuelle des tarifs qui en 2023 était déjà évaluée +4,7 % en moyenne(10)

 


Sources :
(1)Légifrance – Le service public de la diffusion du droit
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047911721
(2) Que Choisir « Soins dentaires - Baisse des remboursements dès octobre »
https://www.quechoisir.org/actualite-soins-dentaires-baisse-des-remboursements-des-octobre-n110062/
(3)Les Echos - Santé : comment le gouvernement veut créer « des générations sans caries »
https://www.lesechos.fr/economie-france/social/sante-comment-le-gouvernement-veut-creer-des-generations-sans-carie-1953222
(4) Ameli.fr « La convention nationale des chirurgiens-dentistes 2018-2023 »
https://www.ameli.fr/chirurgien-dentiste/textes-reference/convention/convention-nationale-2018-2023
(5) Source : Le Monde  - « Frais dentaires : la Sécurité sociale demande un effort financier aux mutuelles… »
https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/16/frais-dentaires-la-securite-sociale-demande-un-effort-financier-aux-mutuelles-qui-anticipent-une-hausse-des-cotisations_6177996_3224.html
(6) Questions d’économie de la santé no 268, mai 2022, Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes).
(7) Études & Résultats, no 1166, octobre 2020, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
(8) Alternatives économiques « Soins dentaires déremboursés : une mauvaise nouvelle pour les précaires »
https://www.alternatives-economiques.fr/soins-dentaires-derembourses-une-mauvaise-nouvelle-precaires/00107428
(9) Régime local d’assurance malade Alsace-Moselle Communiqué de presse « Le Régime Local d’assurance maladie d’Alsace Moselle renforce sa position centrale dans la prise en charge des frais de santé de ses bénéficiaires ».
(10) France Info « Hausse des soins dentaires : les mutuelles le répercuteront sur les tarifs des cotisations »
https://www.francetvinfo.fr/sante/hausse-des-soins-dentaires-les-mutuelles-le-repercuteront-sur-les-tarifs-des-cotisations_5892469.html

 

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