L'obligation de cotisation pour les cadres (1,50 % T1)
La convention collective nationale de retraite et prévoyance des cadres impose aux entreprises employant des cadres ou des assimilés cadres, de verser une cotisation obligatoire égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale.
Quels sont les fondements juridiques de cette obligation ?
L’obligation pour l’employeur de cotiser à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale pour les cadres en prévoyance a été instituée par la CCN de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (article 7).
La fusion des régimes de retraite complémentaire « AGIRC » et « ARRCO » au 01/01/19 ayant entraîné la disparition de la CCN du 14 mars 1947, un accord national interprofessionnel du 17/11/17 (*) relatif à la prévoyance des cadres (ci-après ANI prévoyance du 17/11/17) a été conclu, permettant le maintien du dispositif tel qu’issu de l’article 7 de la CCN du 14 mars 1947 dans l’attente d’un accord entre les partenaires sociaux sur la notion d’encadrement.
(*) étendu et élargi par arrêté du 27 juillet 2018.
Que recouvre cette obligation ?
L’ANI prévoyance du 17/11/17 spécifique à la prévoyance impose aux entreprises employant des cadres ou des assimilés cadres ainsi que les VRP (sous conditions), de verser une cotisation patronale affectée par priorité à la couverture d’avantages en cas de décès.
L’ANI prévoyance du 17/11/17 n’apporte pas de modification par rapport à la liste des bénéficiaires définie respectivement par les articles 4 et 4 bis de la CCN du 14 mars 1947 (l’article 2.1 de l’ANI reprend les bénéficiaires de l’article 4 de la CCN du 14 mars 1947 et l’article 2.2 de l’ANI reprend ceux de l’article 4 bis).
Dans une lettre info du 08/11/18, l’AGIRC-ARRCO a confirmé que les VRP visés à l’annexe IV de la CCN de 1947 continueront à bénéficier, au-delà du 31 décembre 2018, de la garantie prévoyance prévue à l’article 7 de la convention précitée, bien que ceux-ci ne figurent pas expressément à l’ANI prévoyance du 17/11/17.
A noter que le maintien des dispositions de l’article 36 de l’annexe I de la CCN de 1947 n’a pas été prévu par l’ANI prévoyance du 17/11/17. Les salariés ne répondant pas aux conditions visées aux articles 4 et 4 bis qui pouvaient bénéficier par extension de la prévoyance spécifique des cadres (cotisation patronale 1,5%) ne sont pas mentionnés.
Dans ces conditions, l’employeur doit cotiser à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale.
Cette contribution est exclusivement patronale.
On estime donc que l’affectation prioritaire s’entend d’une cotisation à la charge de l’employeur au moins égale à 0,76 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale consacrée à une garantie décès.
Le surplus, s’il en existe un, peut être consacré à la couverture de garanties prévoyance (notamment incapacité, invalidité).
Le texte oblige à un taux de cotisation, mais ne prévoit pas de niveau de garanties : la branche ou l’entreprise a une liberté de ce chef.
Non, la garantie « mensualisation » ou « maintien de salaire » n’est pas une garantie de prévoyance mais une obligation légale ou conventionnelle de l’employeur de maintenir le salaire. Cette obligation est issue soit de l’article L.1226-1 du Code du travail soit d’une convention collective ayant le même objet. La garantie « mensualisation » ne suit pas le régime légal et réglementaire applicable à la prévoyance.
La cotisation de la garantie « mensualisation » ne doit pas être prise en compte pour le respect de l’obligation du 1,50 %.
Oui sous conditions :
Pour la ventilation du reliquat, deux questions doivent être posées par l’entreprise :
- À quelles garanties le taux de contribution restant (0,74% au plus) doit-il être affecté ?
- S’agit-il exclusivement des garanties de prévoyance dite « lourde » (incapacité, invalidité et décès) ou est-ce que les régimes de frais de santé sont aussi concernés ?
La Cour de cassation s’est prononcée sur cette question (Cass. Soc, 30 mars 2022, nº20-15.022). Elle a constaté que les signataires de l’accord « n’excluaient [pas] les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l’employeur, [de sorte que] pour vérifier si l’employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50% […], il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé ». En l’espèce, la société cotisait à hauteur de 1 % pour les « risques lourds » et 1,8 % pour les frais de santé, pour un total de 2,8 % de cotisations au titre de la prévoyance. Elle satisfaisait donc amplement le taux minimal de 1,5 %.
Concrètement, il suffit donc que plus de la moitié de la cotisation de 1,5 % à la charge exclusive de l’employeur (à savoir 0,75 % de la cotisation) soit affectée à la couverture décès pour que la priorité d’affectation soit honorée, car c’est ainsi qu’il faut comprendre l’affectation prioritaire à la couverture décès imposée par le texte. Au-delà, l’employeur peut valablement s’acquitter de son obligation de cotisation par le financement d’autres risques, comme les frais de santé par exemple.
Ainsi, la Cour de cassation considère que la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie « frais de santé » est prise en compte pour vérifier que l’employeur respecte son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche A au profit de ses salariés cadres, sous réserve toutefois du cas des salariés cadres qui seraient dispensés d’affiliation au régime de frais de santé de leur entreprise.
Dit autrement, dans l’hypothèse où un salarié use d’un cas de dispense, l’employeur qui s’appuie sur sa contribution au financement du régime frais de santé pour respecter son obligation pourrait finalement être en défaut.
En application de l’article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale et de l’ANI du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres, les employeurs sont tenus de respecter ces dispositions. À défaut, ils engagent leur responsabilité vis-à-vis de leurs salariés, une responsabilité délictuelle (Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 05-40.891 ; Cass. soc., 19 mars 2014, n° 12-24.976).
Mais ce risque est aussi financier puisqu’il existe une sanction spécifique en cas de méconnaissance des dispositions de l'ANI du 17 novembre 2017 en cas de décès du salarié qui peut coûter très cher à l’entreprise, et notamment pour une TPE… En effet, si l’employeur n’a pas souscrit de garantie décès pour ses salariés cadres et assimilés, il devra verser aux ayants droit du salarié, en cas de décès, un capital correspondant à 3 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 141 300 € en 2025. À cette somme s’ajoutent les charges patronales et salariales.
Mais également, l’entreprise peut également être condamné à réparer l’entier préjudice.
Pour exemple, un arrêt du 8 février 2024 (nº22/03391) de la cour d’appel de Douai qui a décidé qu’en cas de carence de l’employeur, les ayants droit peuvent exiger de ce dernier une indemnisation complémentaire en plus des 3 PASS (sanction prévue par l’ANI visée ci-dessus) si la négligence de l'employeur est établie. Cela inclut une évaluation du préjudice financier et moral (principe de réparation intégrale – ici des ayants droit), soit :
- Le préjudice correspondant aux sommes (capital décès et, le cas échéant, rente éducation) que les ayants droit auraient perçues si l’employeur avait régularisé sa carence
- Le préjudice résultant notamment des difficultés de gestion du dossier d’assurance, des tracas judiciaires subis et des difficultés financières rencontrées.
La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’assujettissement à charges sociales de cette somme (Cass. Soc, 24 avril 1997 n° 95-18.039 - en l’espèce, la Cour de cassation a statué que les indemnités versées aux ayants droit d'un ancien salarié en raison de l'inexécution par l'employeur de son obligation d'adhérer à un régime de prévoyance doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale. »
Texte de référence :
L’article 1 du 17/11/17 de l’ANI reprend les dispositions de l’article 7 de la Convention Collective de Retraite et de Prévoyance des Cadres du 14 mars 1947.