La mise en œuvre de l'accord de branche
Découvrez ici comment formaliser les modalités de l’accord pour le déployer dans les entreprises de la branche : dépot et publicité ; extension, élargissement et agrément ; application aux entreprises ; contrat avec l'organisme assureur ; informations aux salariés.
Dépôt et publicité des accords de branches
La loi du 29 mars 2018 - de ratification des ordonnances Macron - a révisé les règles de publicité des accords collectifs. Parallèlement, un décret du 15 mai 2018 dématérialise le dépôt de l’accord auprès de l’administration.
Les conventions et accords de branche, les accords professionnels ou interprofessionnels doivent être déposés auprès des services centraux du ministre chargé du travail, à la Direction générale du travail (DGT) sauf exceptions (professions agricoles et personnels navigants).
Les formalités de dépôt sont applicables aux conventions et accords collectifs de travail ainsi qu'à leurs annexes et avenants. En revanche, ne sont pas soumis à la procédure du dépôt les recommandations patronales par exemple (seuls les accords valablement étendus produisent leurs effets auprès de l’ensemble des entreprises du secteur concerné).
Le texte des conventions collectives de branche nationales étendues ainsi que leurs avenants et annexes sont disponibles sur le site Legifrance.
Depuis la Loi Travail du 8 aout 2016, les accords de branche conclus depuis le 1er septembre 2017 sont rendus publics dans une version anonymisée c’est-à-dire ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et signataires. Le nom des organisations syndicales signataires doit demeurer apparent. Ils intègrent ensuite une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne sur le site www.legifrance.gouv.fr.
Depuis le 1er avril 2018, les accords de branche doivent être publiés en version intégrale, la loi du 29 mars 2018 supprimant la faculté de publication partielle des textes.
Extension, élargissement, agrément
L’application de l’accord à d’autres secteurs professionnels et/ou géographiques est possible via la procédure d’élargissement. Dans le secteur sanitaire et social à but non lucratif, la prise d’effet de l’accord est conditionnée à la délivrance d’un agrément ministériel spécifique.
L’extension a pour but de rendre obligatoire une convention collective de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel à l’ensemble des employeurs et des salariés compris dans son champ territorial et professionnel, et pas seulement aux signataires ou adhérents à une organisation signataire (C. trav., art. L. 2261-15).
Les textes susceptibles d’être étendus sont :
– les accords interprofessionnels ;
– les conventions collectives de branche ;
– les accords professionnels ;
– les avenants ou annexes de textes déjà étendus (C. trav., art. L. 2261-16).
L’extension peut être demandée par une organisation syndicale d’employeurs ou de salariés représentative dans le champ d’application de la convention ou de l’accord.
Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, ne doivent pas avoir fait l’objet de l’opposition écrite et motivée d’une ou de plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau considéré dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l’ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives à ce niveau (C. trav., art. L. 2261-19, al. 3). Pour être valable, l’opposition doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la publication de l’avis d’extension au Journal officiel.
La convention collective de branche conclue au niveau national (ou à défaut de convention au niveau national, la convention de branche conclue à d’autres niveaux territoriaux) doit comporter certaines clauses obligatoires énumérées par la loi (C. trav., art. L. 2261-22).
Avant que l’arrêté d’extension ne soit pris, un avis relatif à l’extension doit être publié au Journal officiel. Il doit :
- Inviter les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations (dans un délai de 15 jours à partir de la publication) ;
- Indiquer le lieu où la convention ou l’accord a été déposé et le service auprès duquel les observations sont présentées (C. trav., art. D. 2261-3).
Le ministre du Travail peut exclure de l’extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (C. trav., art. L. 2261-25). Il peut également étendre, sous réserve de l’application des dispositions légales, les clauses incomplètes au regard de ces dispositions.
Le ministre décide ou non d’étendre le texte sur avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle. Celle-ci peut rendre un avis favorable même en l’absence de certaines des clauses obligatoires. Dans ce cas, le texte peut être étendu par le ministre, sauf opposition écrite et motivée d’au moins deux organisations patronales ou d’au moins deux organisations de salariés représentées à la commission. Si ces dernières s’opposent à l’avis favorable de la commission, le ministre peut consulter de nouveau celle-ci sur la base d’un rapport précisant la portée des dispositions en cause et les conséquences de leur extension. Au vu de ce nouvel avis, il décide en dernier lieu de l’extension, mais doit en ce cas motiver sa décision (C. trav., art. L. 2261-27).
Les mêmes dispositions s’appliquent lorsque le texte n’a pas été signé par toutes les organisations syndicales représentatives ou lorsque la convention ne couvre pas l’ensemble des catégories professionnelles de la branche.
Durée de l’extension
L’extension prend effet à la date fixée par l’arrêté, ou à défaut, le lendemain de sa publication (il n’a pas d’effet rétroactif). Les parties à la convention ou l’accord en question peuvent conditionner l’entrée en vigueur des dispositions conventionnelles à la date de publication de l’arrêté.
L’extension des effets et des sanctions de la convention ou de l’accord se fait pour la durée et aux conditions prévues par la convention ou l’accord en cause (C. trav., art. L. 2261-15).
Élargissement des accords collectifs
L’élargissement est une décision prise par le ministre du Travail pour remédier à l’impossibilité persistante pour les organisations d’employeurs ou de salariés de conclure une convention ou un accord dans une branche d’activité ou un secteur territorial déterminé.
Le ministre du Travail peut rendre obligatoire dans un secteur territorial considéré une convention ou un accord de branche déjà étendu à un secteur territorial différent. Le secteur professionnel ou territorial faisant l’objet de l’arrêté d’élargissement doit présenter des conditions économiques analogues quant aux emplois exercés à celles du secteur dans lequel l’extension est déjà intervenue (C. trav., art. L. 2261-17).
Le ministre peut également rendre obligatoire dans le secteur professionnel considéré tout ou partie d’une convention ou d’un accord professionnel déjà étendu à un autre secteur professionnel. En ce cas, le secteur professionnel faisant l’objet de l’arrêté d’élargissement doit présenter des conditions analogues, quant aux emplois exercés, à celles du secteur dans lequel l’extension est déjà intervenue (C. trav., art. L. 2261-17).
Un accord interprofessionnel étendu peut être rendu obligatoire par élargissement dans une ou plusieurs branches d’activité non comprises dans son champ d’application (C. trav., art. L. 2261-17).
L’élargissement se fait à la demande d’une des organisations représentatives intéressées ou à la propre initiative du ministre du Travail. La décision d’élargissement est précédée de la publication d’un avis au Journal officiel. Cet avis invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations dans un délai de 15 jours.
L’élargissement fait l’objet d’un arrêté publié au Journal officiel (C. trav., art. D. 2261-3 et D. 2261-4).
L’arrêté d’élargissement devient caduc au jour où l’arrêté d’extension cesse de produire effets (C. trav., art. L. 2261-29). Par ailleurs, le ministre peut l’abroger à la demande d’une des organisations représentatives intéressées ou de sa propre initiative, lorsqu’il apparaît que les textes en cause ne répondent plus à la situation de la branche ou des branches dans le champ d’application considéré et ce pour tout ou partie du champ professionnel ou territorial mentionné dans l’arrêté (C. trav., art. D. 2261-13).
Agrément des accords et conventions
Dans certains secteurs d’activité, les accords collectifs ne peuvent produire effet qu’après avoir été agréés par arrêté ministériel. L’agrément est délivré par l’autorité de tutelle.
La procédure d’agrément a pour objet d’effectuer un contrôle budgétaire des dépenses de fonctionnement qui peuvent résulter de la négociation collective professionnelle, ceci compte tenu de l’origine des ressources de l’organisme. C’est une condition d’opposabilité aux financeurs publics des conséquences financières de l’accord. L’agrément a pour effet de rendre la convention applicable aux signataires.
L’agrément est délivré par le ministre compétent. Sa décision peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Lorsque le refus d’agrément est explicite, il doit être motivé, comme toute décision administrative individuelle défavorable. L’arrêté d’agrément rétroagit légalement à la date de signature de l’accord ou à une date différente fixée dans l’accord.
Comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 avril 2011, « l’extension d’une convention collective se distingue de son agrément, en ce que, d’une part, la première a pour objet d’étendre l’application de la convention ou de l’accord collectif à des entreprises qui n’étaient pas liées conventionnellement, alors que le second a pour effet de rendre la convention collective applicable aux parties signataires, et d’autre part, que ces deux actes sont adoptés par des autorités différentes aux termes de procédures qui leur sont propres ». Par conséquent, un accord collectif agréé ne vaut pas accord collectif étendu (Cass. Soc., 6 avr. 2011, nº 10-16.203). Mais un accord agréé peut être étendu (CE, 29 déc. 1997, nº 152421).
Application aux entreprises
A défaut de précision particulière dans l’accord, l’application aux entreprises varie selon qu’elles sont syndiquées ou qu’elles ne le sont pas.
L’article L.2262-1 du Code du travail dispose :
A leur signature, les accords collectifs ne lient que ceux qui les ont signés directement (organisations syndicales signataires) ou indirectement (les employeurs membres d’une organisation signataire).
Sont concernés également les employeurs qui adhèrent volontairement à ce texte postérieurement à sa signature.
L'extension permet de rendre obligatoire les dispositions de l’accord conclu à tous les salariés et employeurs compris dans son champ d'application territorial et professionnel, y compris aux entreprises (et à leurs salariés) qui ne sont pas adhérentes à une organisation syndicale signataire de l’accord.
N’étant pas toujours aisé d’identifier les entreprises syndiquées de celles qui ne le sont pas, il est possible d’indiquer dans l’accord que les nouvelles dispositions s’appliquent simultanément après l’extension (par exemple le 1er jour ouvré du mois qui suit la publication de l’arrêté d’extension).
Contrat de l’entreprise avec l’organisme assureur
Pour couvrir ses engagements, l’employeur doit souscrire auprès d’un organisme assureur un contrat.
L’accord de prévoyance complémentaire négocié au niveau de la branche professionnelle constitue un engagement pour les employeurs qui y sont soumis.
Afin de couvrir ses obligations conventionnelles vis-à-vis des salariés, l’employeur doit souscrire un contrat d’assurance. Il est important de noter que la recommandation d’un organisme assureur dans l’accord de branche n’exonère pas les employeurs de souscrire un contrat.
Lors de la souscription du contrat d’assurance, il appartient à l’employeur de vérifier que ce dernier couvre bien l’ensemble du périmètre défini dans l’accord de branche. A défaut, si le contrat d’assurance est moins favorable que les dispositions conventionnelles (ex : niveau inférieur de garantie), le salarié pourra engager la responsabilité financière de l’employeur afin que soient couverts la totalité des engagements définis dans l’accord de branche.
Dans ce cadre, la souscription par l’employeur d’un contrat d’assurance auprès des organismes assureurs recommandés ou labellisés est sécurisante dans la mesure où les offres proposées par ces derniers ont été élaborées spécifiquement sur la base des dispositions conventionnelles.
En complément des dispositions conventionnelles, il est important de noter que le contrat d’assurance est soumis à des dispositions légales et réglementaires spécifiques qui sont précisées dans les différents Codes. A titre principal, il s’agit des dispositions de la loi Évin.
Depuis le 1er décembre 2020, les conditions de résiliation des contrats de complémentaire santé sont assouplies : détail de la résiliation infra-annuelle en santé.
Information sur l’accord de branche dans l’entreprise
La notice d’information est un document rédigé par l’organisme assureur, qui détaille les garanties et prestations. Il incombe à l’employeur d’en remettre un exemplaire à chacun des salariés concernés.
Que les garanties collectives soient obligatoires ou facultatives, l'employeur doit remettre aux salariés une notice détaillée qui définit notamment les garanties et leurs modalités d'application.
La notice doit comporter :
- les garanties souscrites et leurs modalités d’entrée en vigueur
- les formalités à accomplir en cas de réalisation des risques
- les clauses édictant des nullités, des déchéances, des exclusions ou des limitations de garanties. Ces clauses doivent apparaître en caractères très apparents dans la notice
- les délais de prescription
La notice peut également indiquer les modalités de financement, de révision du régime et les sanctions en cas de non-paiement des cotisations.
Lorsque des modifications sont apportées aux droits et obligations des assurés, l’employeur est également tenu de remettre une notice établie à cet effet.
La notice d'information doit être suffisamment détaillée et précise. En tout état de cause, la remise d'un exemplaire du contrat d'assurance au salarié ne vaut pas remise de la notice d'information.
L'absence d'information ouvre droit pour le salarié à une réparation du préjudice subi. Compte tenu du risque encouru, l'employeur a tout intérêt à organiser la remise de la notice.
Cependant c'est en principe l'organisme assureur qui est l'auteur de la notice et qui porte la responsabilité de son contenu. Il appartient à l'organisme assureur d'établir qu'il a rédigé la notice et qu'il a remis cette dernière à l'employeur, à charge pour ce dernier de la remettre aux salariés concernés.
En l'absence d'accord de branche prévoyant des modalités différentes, l'employeur est tenu de communiquer la liste des accords applicables dans l'entreprise et, le cas échéant, de les faire figurer sur l'intranet de l'entreprise.
Les modalités de consultation des accords sont affichées sur les lieux de travail.