Le phénomène de l’addiction dans le monde du travail n’est pas tout à fait nouveau. Néanmoins, vous dressez le constat qu’il a subi ces dernières années d’importantes mutations…
A. P. : Historiquement, la question des conduites addictives concerne certains secteurs d’activité en particulier, comme le transport, la logistique, l’agriculture, la pêche, l’hôtellerie-restauration, le BTP, l’industrie, l’énergie, l’agro-alimentaire, etc. La plupart de ces secteurs possèdent une maturité aujourd’hui forte sur les questions de santé-sécurité de manière générale et ont structuré des actions en matière de prévention du risque addictif.
Le Covid, parmi de nombreux changements qu’il a entraînés, a eu des conséquences sur la manière d’envisager les conduites addictives dans le secteur tertiaire. Le confinement, le contexte extrêmement anxiogène ont mis sur le devant de la scène des personnes en grandes difficultés, qui pour certaines avaient déjà des pratiques à risque et pour lesquelles le Covid a eu un effet d’accélérateur et de révélateur. Entre mars et juin 2020, nous n’avons jamais eu à accompagner des salariés dans des situations aussi aigües : overdoses à domicile, violences intrafamiliales extrêmes, menaces de suicide…
Bien des DRH et des entreprises se sont retrouvées démunies face à ce phénomène. Entre 2021 et 2022, beaucoup d’entre elles ont engagé des démarches pour structurer la prévention des conduites addictives au sein de leurs organisations. La crise du Covid a vu en parallèle l’émergence et la reconnaissance des addictions dites « sans produit » : jeux d’argent et de hasard, paris sportifs, addiction au travail, hyper-connexion, et la grande famille des cyberdépendances (réseaux sociaux, achats compulsifs, pornographie…).